Désastres et droits de l’Homme:
comment protéger les « réfugiés climatiques »?

Par Cecile Pilot

Thursday, 29 January 2015

Un vide juridique à combler d’urgence

Le Comité International de la Croix-Rouge estime qu’il y a plus de réfugiés environnementaux que de réfugiés politiques fuyant actuellement les guerres et les conflits. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) affirme que 36 millions de personnes ont été déplacées en 2009 à cause des désastres naturels et les scientifiques prédisent que ce nombre augmentera au moins jusqu’à 50 millions en 2050. Certains disent qu’il pourrait atteindre 200 millions. C’est en 1985 que le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) a utilisé pour la première fois dans un rapport le terme « réfugiés environnementaux ». Les réfugiés de l’environnement y sont définis comme « des personnes qui sont forcées de quitter leur lieu de vie – temporairement ou de façon permanente – à cause d’une rupture environnementale d’origine naturelle ou humaine qui a mis en péril leur existence ou sérieusement affecté leurs conditions de vie ». Les réfugiés environnementaux ne sont pas protégés par le droit international. Sans protection juridique, ils font face à des risques politiques plus grands que les réfugiés qui fuient en raison d’un conflit ou d’une oppression politique. Contrairement à des réfugiés « traditionnels » protégés par la Convention de Genève de 1951, les « réfugiés climatiques » peuvent être renvoyés dans leur habitat dévasté sans pouvoir prétendre à des droits fondamentaux.

Obligations générales des Etats dans le contexte du changement climatique

Dans le contexte du changement climatique, les Etats, selon le droit international actuel, ont trois ensembles d’obligations : l’atténuation (réduire le degré du changement climatique, en particulier en réduisant les émissions de gaz à effet de serre) ; l’adaptation (le défi de mieux s’adapter aux menaces causées par les effets du changement climatique) ; et la protection (l’obligation de garantir les droits et d’aborder le problème des besoins humanitaires) des personnes touchées par les effets négatifs du changement climatique. Les mesures de protection ne pourront avoir lieu et être effectives dans le vide juridique actuel. Au niveau international, l’étape la plus importante qui a été réalisée était pendant la Conférence de Cancun en Décembre 2010, avec l’Article 14 de l’Accord de Cancun sur un cadre de coopération à long terme sous la Convention-Cadre des Nations Unies pour le changement climatique qui invite les Etats à renforcer l’action pour l’adaptation. Cet accord est pertinent à plusieurs égards. D’abord, la communauté internationale reconnaît pour la première fois les conséquences humanitaires des mouvements de population liés au changement climatique comme un défi d’adaptation. De plus, le déplacement peut espérer faire partie à l’avenir des plans nationaux d’adaptation prévus par l’accord, fournissant ainsi un point d’entrée pour les problèmes de protection et d’assistance. Finalement, l’accord reconnaît que les efforts qui adressent le déplacement ont besoin d’être entrepris non seulement au niveau national mais aussi aux niveaux régional et international, mettant ainsi les sujets du déplacement interne et transfrontalier sur l’agenda international du changement climatique. C’est une étape importante, quoique limitée, qui a besoin d’être suivie par des discussions sur les régimes normatifs appropriés refermant les écarts actuels de protection.

Une nouvelle Convention au nom de la dignité

Bien plus qu’une approche de soft law, une Convention sur la circulation transfrontalière des personnes dans le contexte du changement climatique aurait, selon moi, l’avantage évident d’être juridiquement contraignante. Sur le plan humanitaire, un statut de « réfugié climatique » assurerait aux victimes une prise en charge automatique et la garantie de leurs droits fondamentaux. La Convention placerait les Etats signataires dans l’obligation d’agir à la fois pour prévenir les catastrophes, mais aussi pour accueillir leurs victimes et créer les conditions favorables à leur rapatriement. Dans ce domaine, il est particulièrement difficile de parvenir à un consensus ce qui signifie que cela prendrait inévitablement un temps long à négocier un nouvel instrument. Alors que les pays potentiels d’origine encourageraient probablement pour un maximum de droits concernant l’admission et le statut, les pays de destination, en tenant compte de leur attitude restrictive envers les réfugiés et demandeurs d’asile, ne sont pas susceptibles d’accepter plus que des obligations minimales. L’absence de consensus au stade de la négociation peut conduire à des écarts de ratification, c’est à dire à des situations où les Etats importants ne sont pas prêts à ratifier le traité, ce qui affaiblirait son efficacité. Les États semblent actuellement manquer de volonté politique pour négocier un nouvel instrument les obligeant à fournir une protection internationale à d’autres groupes de personnes. Mais face à l’urgence climatique et humanitaire, plutôt que d’être vue comme une conséquence négative, nous devons décrire le déplacement de ces nouveaux migrants comme une question de survie et de dignité humaine. La conférence de Paris sur le climat en 2015, COP21, pourrait ouvrir la voie vers un statut de protection des « réfugiés climatiques », une disposition cruciale pour l’avenir des populations les plus vulnérables.

Cecile Pilot est une jeune activiste de CliMates, un think & do tank international étudiant qui recherche des solutions innovantes dans la lutte contre le changement climatique, et une membre active du Comité d’Organisation du Forum des Enfants et des Jeunes pour la WCDRR de Sendai. Née en France et actuellement étudiante en Master Droits de l’Homme à la Faculté de Droit et Sciences Politiques de Strasbourg, elle s’intéresse au plaidoyer et aux politiques en faveur des enfants et des jeunes. Des expériences humaines marquantes font son engagement plus grand. En 2013, Cecile a vécu au Japon. La résilience des communautés japonaises face aux implications environnementales du désastre de Fukushima l’a inspiré et convaincu que le changement peut commencer à partir d’actions locales réussies.